Comment la politique agricole agit sur la santé
Nov.. 2010Évaluation d’impact sur la santé
Exemple de cas d’une Évaluation d’Impact sur la Santé. La politique agricole d’un pays exerce une influence directe sur la production de denrées alimentaires, sur la nature, sur l’évolution du paysage et, enfin, sur la santé de l’ensemble de la population. En conséquence, la politique agricole est un terrain de prédilection pour les évaluations d’impact sur la santé. Le présent article traite de deux exemples d’EIS, rétrospective pour l’une et prospective pour l’autre.
Union européenne: politique de subventions au détriment de la santé
Les Évaluations d’Impact sur la Santé (EIS) conduites en 1997 et en 2003 avaient pour objet d’étudier les effets potentiels de la Politique agricole commune (PAC) de l’UE sur la santé de la population européenne. Les thèmes centraux étaient les subventions de produits laitiers et de viande ainsi que la destruction délibérée de grandes quantités de fruits et de légumes dans l’espace européen. Au cours des 40 dernières années, ces deux mesures avaient conduit à faire du lait, du beurre, de la crème, du fromage, de la viande et des produits carnés des denrées disponibles en grandes quantités et ce à un prix modéré comparativement à celui des fruits et des légumes. Selon les EIS, cette situation est coresponsable de la forte augmentation, dans l’UE, des risques de santé liés à l’alimentation tels que les maladies cardio-vasculaires, l’hypertension artérielle, l’ostéoporose ou l’obésité.
Suite aux EIS, les recommandations suivantes ont été formulées à l’adresse des politiciens européens:
– Fin des destructions subventionnées de fruits et de légumes de bonne qualité
– Fin de la distribution de lait riche en graisse aux enfants des écoles
– Suppression des subventions pour la distillation des excédents de vin
– Réduction des subventions sur la viande de bœuf et les produits laitiers
– Subventions ciblées sur la production de fruits et de légumes
– Augmentation de la production d’acides gras mono-insaturés et d’acides gras poly-insaturés.
Les vifs débats suscités par ces EIS – notamment autour des subventions des excédents de vin – ont souligné la difficulté à mettre en œuvre les recommandations des EIS. Pourtant, la confrontation des intérêts suscitée par une EIS est non seulement courante mais aussi souhaitable, car c’est la seule manière d’aboutir à de bonnes solutions gagnant-gagnant.
Politique agricole suisse 2011: effets secondaires possibles
En 2006, l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) avait mandaté une étude pilote pour évaluer les effets de la politique agricole 2011 sur la santé. Pour l’essentiel, la politique agricole 2011 franchit un pas supplémentaire vers la déréglementation du marché (suppression des obstacles du marché, réduction des soutiens) et vers une écologisation.
Selon l’étude, les incitations à pratiquer une agriculture plus écologique ont un effet bénéfique pour la santé. L’attrait économique accru présenté par l’agriculture bio favorise le changement structurel vers des exploitations plus grandes et gérées de manière plus professionnelle, avec une utilisation plus ciblée et efficace des produits phytosanitaires et des engrais. On peut donc attendre une diminution de la charge polluante pour les denrées alimentaires, l’eau potable, les sols et l’air et un enrichissement des espaces de vie et de repos pour l’homme et la nature.
Mis à part ces effets positifs, on ne peut cependant exclure toute une série d’effets négatifs résultant de la suppression des soutiens du marché et de l’augmentation de la pression sur les coûts tels, notamment, l’apparition d’exploitations de très grande taille et d’un type d’élevage intensif accompagné d’un recours accru aux antibiotiques, au détriment du bien-être des animaux. La pression sur les coûts pourrait en outre conduire à une exploitation plus spécialisée et plus intensive dans certaines régions, indissociable du risque de concentrations de substances nocives localement élevées dans les sols et dans l’eau. La pression économique pourrait aussi contraindre les paysans de montagne à abandonner leurs exploitations, entraînant la perte de paysages agricoles précieux et, avec eux, de zones de détente importantes pour la population. Enfin, l’étude attire l’attention sur la santé de ceux qui sont le plus directement concernés par la politique agricole, à savoir les agriculteurs eux-mêmes. Des perspectives incertaines et d’éventuelles pertes de revenus les exposent notamment à une pression psychique qu’il ne faut pas sous-estimer.
Contact
Wally Achtermann, division Projets multisectoriels, wally.achtermann@bag.admin.ch